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"Courant de pensées éthiques et résiliences économiques: cas de la Côte d'Ivoire"
Sommaire
La première édition des Cafés de « Résiliences » s’est tenue le 12 juin 2014 de 10h15 à 12h30, sous la présidence de Dr Francis José Coffie N’GUESSAN, directeur adjoint chargé de la recherche du CIRES sur le thème "Courant de pensées éthiques et résiliences économiques: cas de la Côte d'Ivoire" présenté par le Docteur Alice KOUADIO-ODOUNFA, enseignante chercheuse à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké.
Elle a vu la participation d’une vingtaine de chercheurs issus du CIRES bien sûr, mais également de l’UFHB et de l’UAO
I - Cérémonie d’ouverture
Après avoir chaleureusement remercié les participants de nous honorer de leur présence, le Dr José N’GUESSAN, n’a pas manqué de souligner l’opportunité offerte par les « Cafés Résiliences » pour les chercheurs, en particulier la possibilité d’échanger et de s’approprier le concept de « résilience ».
Il a ensuite présenter les 2 intervenantes :
- Magali DJEDJE PEYRE, cheville ouvrière de l’UMI Résiliences, basée au CIRES
- Dr Alice KOUADIO-ODOUNFA, enseignant chercheur à l’UAO Bouaké, membres fondateurs de l’UMI Résiliences
II - Présentation de l’UMI
Mme DJEDJE-PEYRE a présenté l’UMI Résiliences, en particulier les circonstances de sa création, les questions qui guident ses réflexions ainsi que les différents axes thématiques et géographiques retenus aujourd’hui.
Elle a également présenté les 2 associations liées historiquement à l’UMI, FREE (Fonds de Recherches Éthiques Économiques) et le GREEDD (Groupe de Recherche Ethique Économique et Développement Durable).
Des interventions ont suivi l’exposé en particulier sur:
Q - Le choix du thème, « valeurs et normes éthiques » en Côte d’Ivoire,
R – Le choix s’est porté sur ce thème à la suite des différentes crises connues par le pays depuis 1999. La volonté reste d’étudier comment les populations touchées enclenchent leur « capabilités » à rebondir et comment il est possible de dégager des modèles qui doivent permettre aux « décideurs » d’agir afin de favoriser une reprise rapide
Q - La possibilité de travailler, depuis la Côte d’Ivoire, sur un autre thème dans un autre pays
R – Rien, à priori, ne s’oppose à travailler depuis la Côte d’Ivoire sur un thème développer par une autre équipe dans un autre pays. Les moyens de communication actuels et les rencontres programmées permettent d’engager ce type d’action.
Q - Les objectifs de l’UMI
R – Réfléchir sur les notions d’éthiques et de morale, de capabilités, de résilience des individus, des ménages et des sociétés
Développer et proposer des outils de mesure de ces notions afin que les pouvoirs en place puissent disposer d’outils de réflexion à la décision
Permettre à des chercheurs d’horizons géographiques et de cultures scientifiques différents de travailler ensemble sur des thèmes communs
Q - La raison des choix thématiques distincts par pays
R – Les choix se sont imposés d’eux même au vu des sensibilités développés par les chercheurs.
Q - Les modalités pour devenir membres de l’UMI et accéder à ses différentes ressources et celles de FREE
R – Concernant FREE ses ressources sont en libre accès sur internet à l’adresse suivante :http://www.ethique-economique.fr/
Pour devenir membre de l’UMI, il faut travailler sur une des thématiques proposées par la structure et ensuite que votre candidature soit examinée lors des tenues du conseil d’unité
III – Exposé « Courants de pensées « éthiques et résiliences économiques »: cas de la Côte d'Ivoire »
Partie I: Les situations de dilemme en économie et la place de la réflexion morale
Introduction
La Résilience, selon l’UMI Résilience, peut se définir comme étant la science du « rebond » après un traumatisme. Elle renvoie aux principes qui fondent l’action et le comportement des personnes physiques ou morales ayant subi un choc profondément déstabilisant, chaotique. Les préférences révélées par ses choix et la priorité accordée posent des défis éthiques en termes de dilemmes. Cela nous amène à aborder
1) la question des dilemmes en économie
2) la place la réflexion éthique
3) les courants de pensées éthiques.
Les situations de dilemme en économie
Les dilemmes en politique économique se manifestent en termes de contradiction entre équilibre interne et externe. En effet, dans certaines situations, la politique budgétaire a des effets inverses sur l’équilibre interne et sur l’équilibre externe . Selon la règle de cohérence de Jan Tinbergen, énoncée dans « On the Theory of Economic Policy (1952) », une des conditions nécessaires, mais non suffisante, pour qu’une politique économique soit efficace, est qu’il existe autant d’instruments indépendants que d’objectifs à atteindre ». Les instruments utilisés sont, la politique budgétaire, le taux de change, la politique commerciale. Le constat est que la réflexion éthique est rarement évoquée au nombre des instruments utilisés. On se préoccupe plus de rétablir les équilibres sans aborder les cibles humaines affectées par l’inflation, le sous-emploi, le chômage, etc.
Pourtant, dès le début de l’histoire de la pensée économique, la réflexion éthique est présente. A. SMITH (1723-1790), l’un des précurseurs du libéralisme économique, fut professeur de philosophie morale et politique, auteur de l’ouvrage « Théorie des sentiments moraux (1759)» parlait déjà de « l’homme qui doit être prêt à sacrifier son propre intérêt » .
La place de la réflexion éthique
A. SEN, prix Nobel d’économie en 1998, est le 1er économiste à faire clairement référence à la notion d’éthique dans son analyse économique : « l’économie est une science morale ». Ce prix lui fut décerné au moment où la Réserve fédérale américaine organise un plan de sauvetage de 5 000 millions de dollars pour venir en aide à une société de fonds de couverture qui accuse une perte de 19 000 millions de dollars.
A. SEN préfère, faute de solution à proposer, s’intéresser au devenir des pauvres. Il développe alors la notion de liberté « positive » (tout ce que l’individu peut faire) et « négative » (ce que l’environnement va faire)
Dans son essai de 1999, intitulé « l’économie est une science morale », A. SEN va d’abord porter ses critiques sur les limites de l’utilitarisme développé par J. BENTHAM (1748-1832) et J. STUART-MILL (1806-1873), vision hédoniste, qui met l’accent sur le degré de plaisir ou de bonheur atteint pour un plus grand nombre. C’est cette même vision qui fonde le principe d’optimum d’A. PARETO (1848-1923) selon qui « tout changement social qui accroîtrait l’utilité de tous serait nécessairement juste ».
Cette vision hédoniste du bonheur, pour un grand nombre, amène à ignorer la situation des groupes vulnérables comme, par exemple, lorsque 3 millions de personnes en Inde, privées de leur emploi, sont mortes de famine alors que les greniers des paysans sont pleins ; et montre les limites de leur liberté d’accomplissement.
A. SEN va s’appuyer sur la théorie du choix public de K. ARROW (1951) qui montre que les préférences agrégées peuvent former un cercle incompatible avec ce que nous attendons d’un choix rationnel. L’application de la règle de la majorité simple à un ensemble ou sur des sous-parties ne conduit pas toujours au même résultat.
Si l’on admet que la liberté individuelle, y compris celle de vivre en bonne santé ou de disposer du minimum vital, est une responsabilité sociale alors il faut prêter une plus grande attention à la façon dont sont dispensés les soins de santé et les dispositifs mis en place pour éviter la famine.
A. SEN souligne que les limitations de l’économie de marché pour réguler les soins de qualité pour tous, l’éducation pour tous, lutter contre la famine sont connues des théoriciens comme K. ARROW et P. A. SAMUELSON (1915-2009), mais souvent oubliés.
Il va enfin s’intéresser à d’autres systèmes de philosophie, rivaux de l’utilitarisme, notamment la théorie de la justice (1971) proposé par J. RAWLS (1921-20002) qui met l’accent sur l’importance politique et éthique de la justice et les moyens tels que les revenus, les libertés publiques qui aident les individus à poursuivre librement leurs objectifs. Il s’agit pour lui des biens premiers.
Mais A. SEN souligne que ce qui manque chez J. RAWLS, est la manière dont les individus convertissent les biens premiers en liberté effective : une distribution égale de biens premiers peut s’accompagner de niveaux de liberté très différents du fait de stéréotypes liés à l’âge, au sexe, aux traditions ; les caractéristiques personnelles, communautaires, environnementales peuvent marquer une limitation de liberté.
Selon A. SEN, les principes distributifs traitent les conflits plutôt que de les éliminer. Il attache de l’intérêt à l’organisation sociale dont la mission majeure est de reconnaître les conflits d’intérêt et de leur trouver une solution équitable en favorisant la juste distribution de libertés. Mais si les conflits d’intérêt sont très radicaux et trop répandus, la promotion de la justice sera chaque fois entravée par ceux qui ont quelque chose à y perdre.
A. SEN va alors développer un nouveau concept, celui des « capabilités » : les politiques économiques ne doivent plus être abordés uniquement sous l’angle budgétaire, ni sous l’angle d’égalité des chances mais doit tenir compte des capacités d’accomplissement.
La réflexion éthique va se préoccuper des situations de dilemmes éthiques, les dénis de libertés, les questions sur les normes, les valeurs, la vision éthique qui orientent les comportements, les capacités, les capabilités, etc..
Chaque situation de déviance est susceptible de provoquer des dilemmes éthiques comme par exemple le cas de la discrimination sur le marché de l’emploi, l’échec de certaines politiques de lutte contre la pauvreté ou de lutte contre le chômage.
Comme le souligne SEN, l’accent doit être porté sur les bases informationnelles et des données d’études fiables.Courants de pensées éthiques
Plusieurs auteurs ont fondé la réflexion éthique en économie: Aristote dit que « la cité n’est pas un état contre nature mais que l’homme est par nature insociable, c’est un être inachevé », il écrivait déjà également que « la finalité de l’éthique était le bonheur »
Kant quant à lui précise que « la liberté de l’individu existe tant qu‘elle n’entrave pas celle des autres », « l’homme n’est pas un objet et il doit donc agir par devoir ». Sartre a développé l’existentialisme et explicité les rapports de l’homme à la liberté. Lévinas n’attend rien de l’autre mais reconnait sa responsabilité vis-à -vis de lui. Rousseau propose une éthique de la compassion plutôt que de la raison, « il faut faire le bien en faisant le moins de mal possible ». Husserl pense que « l’homme doit agir en fonction de ce que sa conscience lui dicte ».
Partie 2: Esquisse des réflexions éthiques suite à la mise en œuvre de la politique gouvernementale post-crise
Actions gouvernementales post crise pour rebondir
Paix, sécurité, reconstruction sociale, la mise en place et la pérennité de ces actions demandent de gros investissements physiques mais également le renforcement significatif des capacités des communautés de veille et de cohésion sociale (par exemple plateforme aux chefs coutumiers et à la société civile) qui doivent opérer des choix, prendre des décisions, comme des modifications du code civil et des impôts, lutter contre le travail des enfants, les médicaments illicites, la pollution…. L’accent est mis sur les « tuteurs de résilience », État, associations…mais la réflexion éthique doit s’interroger si la politique mise en place est soutenable à long terme, si les tuteurs jouent leur rôle car peuvent se mettre en place des stratégies de détournement. La question principale reste de savoir comment réduire la souffrance (exemple : la CNI a 5 000FCFA, installation compteur CIE pour 2 000 FCFA/mois…) et de savoir si l’accessibilité est totale et que faire pour les marginalisés potentiels.
- Questions de réflexions éthiques ?
La question éthique se pose en termes de durabilité : les options de sortie de crise à court terme peuvent engendrer des effets pervers par rapport à la durabilité du bien-être social à moyen et long terme, d’où l’importance de la mise en place d’une veille éthique.
Il convient alors
- de créer plusieurs cadre de réflexions et de veilles éthiques
- d’asseoir une gouvernance basée sur la disponibilité de bases informationnelles fiables à tous les niveaux, de l’administration publique, privée, des collectivités locales et de l’ensemble des tuteurs de résiliences en général.
Conclusion
À la suite de cet exposé, le Dr Francis José Coffie N’GUESSAN introduit les échanges en ces termes: l’exposé a relevé les défaillances de la politique économique fondée uniquement sur les règles de concurrences et du libéralisme. Il faut souligner l’importance des stratégies inclusives qui intègrent la réflexion éthique et donc l’intérêt de réconcilier les politiques économiques avec les politiques sociales.
Le Dr BINDE souligne que les « cafés résiliences » sont idéaux pour rebondir. En effet nous sommes dans un centre de recherche et le cadre de réflexion nous est offert. Les outils économiques que nous utilisons doivent intégrer les outils pour mener la réflexion sur la notion d’éthique.
Dieudonné N’GUESSAN précise la participation des philosophes allemands en particulier dans l’approfondissement du développement de la notion de conscience sociale reprise en particulier par les japonais, les américains, les coréens pour se développer. Il pose la question du lien existant entre la liberté négative, positive et les tuteurs de résiliences.
Le Dr YOUAN-BI, en se référant, en particulier, à l’approche néo-classique de Douglas Norph qui introduit la notion d’éthique dans le phénomène de constitution des marchés, s’interroge sur comment doit-on aborder la responsabilité collective de l’individu ?
DOUA TANOH Ruffin s’exprime concernant la différence à faire entre l’éthique et la morale et dans quelle mesure et séquence doivent-elles être prises en compte ?
N’DA KOFFI Léon s’interroge sur la nature du support e la résilience, la morale ou l’éthique ?
Le Dr SOBIA demande une définition des tuteurs de résiliences
Le Pr MAMA Ouattara apporte quelques éléments de réflexion aux questions soulevées. La notion de liberté positive et négative est abordée par A SEN et en particulier dans son approche par les capabilités. En sciences économiques on suppose que les gens ont une dotation initiale, A. SEN va au-delà et parle de capabilités pour expliquer ces dotations. Il aborde ensuite la question relative à l’équité et à l’égalité des chances : le PIB mondial est de 71,2 milles milliards d’euros qui ramené à un individu représente 498180 FCA/ mois mais il faut qu’il y ait des différences ou un changement radical de mentalité. Cela appelle à s’interroger jusqu’où l’on va pour que les individus aient les mêmes chances. Il faut aller au-delà des capabilités pour expliquer les capabilités, c’est un phénomène dit « sans bord ». Et est-ce que cela suffit ?
Le Dr KOUADIO reprend la notion de liberté positive qui est pour l’individu l’accès par exemple à la sécurité, au travail, à l’éducation…alors que la liberté négative concerne tout ce que l’environnement peut apporter.
Le Dr BOARE conclue les différentes interventions en saluant l’initiative car l’exercice n’est pas facile et souhaite que ces interventions aboutissent à de nombreuses productions au sein de l’UMI. Elle revient sur la question de réflexion à savoir comment mesurer la résilience des ivoiriens par rapport aux actions menées par le gouvernement et comment ainsi être capable de développer des capacités de résiliences optimales.
Thématique : Formation , Valorisation de la recherche
Pays : Côte d'Ivoire
Pour aller plus loin
Présentation de l'UMI_(MDP_2014)
Texte de présentation